Les Enfants Ordinaires [libre]

[HRP : 30 septembre, 15h. Le sujet est libre ^^]

Bon, un regard à droite, à gauche, derrière elle. A première vue, personne.

Parfait. Nix n'en demandait pas plus.

Emmitouflée dans un long manteau noir et chaud, la jeune blonde, un bonnet enfoncé jusqu'à ses sourcils, le bas du visage dissimulé par une écharpe d'un gris sombre, elle avait troqué son habit d'étudiante contre des vêtements un poil moins sexy. Après tout, sortir en montagne, ce n'était pas en mini-jupe qu'elle allait le faire. La jeune Leviaz craignait le froid, quand même.

C'était le week-end. Et elle n'avait pas envie de travailler. Alors, voilà, quelques instants de marche, et la voilà ici, dans la neige. Avec une luge. Après tout, ce n'était pas parce qu'elle était la future Directrice qu'elle n'avait pas le droit, de temps en temps, de redevenir une enfant ordinaire. S'amuser, c'était possible. Faire n'importe quoi, cela ne lui était pas interdit. Alors elle allait en profiter. Elle était prête à jouer aussi irréel que cela pouvait le paraître.

Elle fouilla dans la poche de son manteau, pour en sortir un MP3, aussi sombre que le reste de sa tenue. Les yeux mi-clos, elle en changea la chanson, pour mettre du Louise Attaque. Désormais, elle chantait doucement Les nuits parisiennes. Un moment de paix comme celui-là, loin du chaos de cette Ecole, loin de ses nombreux ennemis, cela n'avait pas de prix. Nix soupira doucement dans son écharpe. Elle portait des lunettes de soleil, bienvenue entre la neige et le soleil de cette fin de septembre. Evidemment, cela faisait un drôle d'effet, avec son cache-oeil. Elle se moquait royalement de ce qu'un éventuel observateur pourrait en penser. Surtout qu'elle était quasiment méconnaissable, puisque son visage était presque entièrement dissimulé.

Ses pas la menèrent sur le haut d'une colline enneigée. Au loin, la silhouette de l'Ecole avait quelque chose d'impressionnant. C'était probablement l'effet gros-château-maléfique qui donnait cette sensation. Pleine de fierté pour le travail de son père, la jeune fille sourit légèrement. Elle aimait ce qu'elle voyait. Elle aimait ces lieux, elle était chez elle. Là où elle était née.

Sans plus prévenir, son regard se posa sur cette maison abandonnée, plus proche d'elle. Le véritable endroit où elle était née. Allons bon, un peu plus, et elle serait capable de remplacer cette sortie-luge pour une visite de la maison de ses parents. La jeune fille aurait aimé mieux comprendre ce qui avait pu pousser sa mère à partir. Parce que Nix était telle qu'elle ne voyait pas le problème dans l'existence de l'Ecole, et dans ses élèves - mis à part qu'ils ne lui portaient pas suffisamment de respect, mais elle doutait que cela soit la raison du départ de sa mère - . Il faudrait qu'elle prenne le temps de lui demander ce qui l'avait réellement décidée, un jour. Parce que ses parents avaient des rapports tellement difficiles qu'elle ne pensait pas que l'idée de gérer les F. soit décisive pour sa mère.

Nix haussa les épaules. C'était pas le moment de se creuser la cervelle, c'était celui de faire la cruche dans la neige.

Elle s'installa confortablement sur sa luge de bois, un sourire enfantin aux lèvres, toujours dissimulé par son écharpe. Et d'un bref élan, elle partit de la colline, pour entamer une descente vive, l'oeil brillant d'amusement et d'excitation. Un tronc enfoui sous la neige lui servit de tremplin pour bondir, suspendue entre ciel et terre pendant quelques secondes, pour atterrir lamentablement dans la poudreuse, à côté de son destrier.

La jeune fille éclata d'un fou rire sincère, clair, en se redressant. Et son corps tout entier ne demandait qu'une chose : refaire cette expérience.

Bonne après-midi en perspective !

"Y a pas souvent des gens."

Hansael se tenait debout, à une poignée de mètres de Nix.
Il portait un long manteau qui descendait jusque ses chevilles, de couleur vert sombre. Il ne semblait pas particulièrement chaud, et d'ailleurs, il le portait ouvert. Dessous, on pouvait voir un col roulé gris sombre, qu'il avait remonté jusqu'à recouvrir son menton, et un pantalon tout aussi sombre que le reste. On pouvait voir ses doigts, bandés, dépasser des longues manches de son habit. Une grande partie de son visage était aussi bandée, ne laissant voir qu'un bout de son nez et son oeil droit.

Le bizutage et autres traitements de ce genre étant choses fréquentes à l'Ecole, Hansael avait pris l'habitude de s'en éloigner dès que c'était possible. Il préfèrait souffrir seul que de devoir supporter les regards moqueurs ou dégoutés d'autres personnes lorsque son pouvoir faisait des siennes. Les montagnes avoisinant les lieux étaient un endroit généralement tranquille, où il ne rencontrait personne. Jusque là.

Il avait vu la jeune fille chûter, et ne semblait pas plus affecté que ça. Probablement qu'il en aurait ri, avant, mais maintenant, il n'y pensait même plus.
Il avait déjà vu cette blonde. Reflechir. Oui, il la connaissait. Pas de près, il ne fréquentait plus personne depuis bien longtemps. Mais même de loin, comment ne pas la connaître la fille du directeur ? Elle était plus jeune que lui, mais était déjà là lorsqu'il était arrivé à l'Etablissement.
Peut-être qu'il aurait tenté de la jauger, il fut-un temps, pour savoir si elle était aisément manipulable, s'il pouvait jouer avec comme avec tant d'autres... Mais maintenant, il n'était même plus capable de réfléchir convenablement, aussi prendre plaisir à la manipulation faisait partie de ces "luxes" qui lui étaient devenus inaccessibles.

Sans raison particulière, le garçon se gratta frénétiquement la joue, ses ongles y laissant quelques éraflures superficielles, puis porta son regard vers la luge.

Il resta silencieux un petit instant, le regard fixe, avant de finalement s'en désinteresser. Il était un peu déstabilisé, en réalité. Il ne s'attendait absolument pas à croiser quelqu'un à un endroit pareil, et maintenant il ne savait plus trop comment réagir. Le niveau de sa conversation avoisinait le zero absolu lorsqu'il se retrouvait face à quelqu'un, il avait tendance à longer les murs dans les couloirs et ignorer ceux qui s'adressaient à lui. Mais là, difficile d'ignorer la seule personne qui se trouvait ici, au beau milieu d'une étendue de neige. Mieux vallait peut-être qu'il engage la discussion ?

"Y a pas souvent des gens, ici", répèta-t-il.

Ah oui, ça c'était constructif. Il n'avait pas réellement réfléchi, pas plus qu'il n'avait songé un seul instant au fait qu'il était purement et simplement en train de dire la même chose qu'avant.
Peut-être qu'il dérangeait. Oui, il dérangeait. Il l'avait vue tomber, peut-être qu'elle ne le supporterait pas. C'était une chose terrible pour elle, il en était sûr. Lui il ne l'aurait probablement pas supporté, alors pour elle ça devait être pareil.
Nerveusement, il se triturait les cheveux.

"Je n'ai pas ri", lacha-t-il, sans cesser de tripoter mécaniquement une mèche de sa chevelure.

Voilà, au moins elle n'aurait pas à se sentir offensée. Mais peut-être que sa présence la gênait. Alors il faudrait qu'il s'enterre très profond sous la neige, ou qu'il monte sur un arbre pour qu'elle ne le voit plus.

Alors qu'elle ouvrait la bouche pour s'adresser à lui, Hansael avait l'impression de voir toute l'action au ralentit. Le temps suffisant pour qu'il imagine mille et une réactions de la part de Nix. Des réaction très variées, mais dont la plupart finissaient mal, voir très mal. La pire étant sûrement celle où elle lui ordonnait de s'arracher les yeux pour avoir osé la voir chûter, et où il finissait par les manger, sans raison particulière, si ce n'est que son imagination avait tendance à partir dans tous les sens concevables, et surtout les plus négatifs.

-Non, d'habitude, c'est un coin calme. Enfin, j'espère que je ne te dérange pas.

Le temps semblait avoir repris son cours normal. Du moins, dans la tête de Hansael, car il ne s'était jamais écoulé plus lentement ou rapidement, en réalité. Il lui fallut un petit instant pour comprendre ce qu'on venait de lui dire, et il n'eut pas le temps d'amorcer une réponse, que déjà la jeune fille lui parlait de nouveau.
Ah, il pouvait rire. C'était peut-être un piège, elle attendait qu'il se marre pour ensuite le lui reprocher. Quoique maintenant qu'il y repensait, elle avait elle-même rit après sa chûte. A moins que ça ne soit sa mémoire qui lui joue des tour. Il avait souvent du mal à faire la différence entre ce qu'il imaginait et ce qu'il avait réellement vécu.

Il se voyait tout de même assez mal exploser de rire, surtout après coup. Et puis bon, ce n'était pas comme s'il était du genre à rire. Il était loin d'être extremement démonstratif avant, et depuis l'injection du Flux, ça ne s'était pas arrangé. Il n'avait plus énormément de raisons de rire. Les autres en avaient, par contre : combien de fois avait-il entendu des élèves parier s'il allait ou pas mourir durant sa prochaine crise ? En fait, on ne pouvait pas réellement dire que ça le blessait, il n'y faisait presque plus attention. C'était juste qu'il préfèrait souffrir seul loin de tout que devenir une attraction pour un troupeau de crétins.
Hormis les tics qui montraient qu'il était nerveux, et que de toute façon il avait quasiment en permanence, il était difficile d'avoir la moindre idée de ce à quoi il pouvait bien penser, le regard vague, comme si Nix était transparente et qu'il fixait un point au loin derrière elle.
En fait, il l'avait purement et simplement oubliée, et ce jusqu'à ce qu'elle prenne de nouveau la parole.

Il secoua brièvement la tête, sortant de sa rêverie éveillée, et daigna enfin répondre.

"Les montagnes... c'est grand, alors..."

Il sembla chercher ses mots un bref instant.

"Ca me dérange pas, parce qu'y a de la place, comme les montagnes sont grandes."

Sa réponse pouvait sembler aussi bien logique que dénuée de sens, puisqu'au final il ne répondait pas réellement à la question.
Le seul oeil que l'on pouvait apercevoir entre l'amas de bandages observa à nouveau la luge, puis encore Nix.

"J'en sais rien."

Ca c'était une réponse correcte. Il n'avait jamais fait de luge, il connaissait même assez peu de jeux, à y réfléchir. Plus jeune, il avait toujours passé ses journées le nez dans des bouquins, alors que les enfants de son âge s'amusaient dehors. Il les trouvait stupides, grotesques, bêtes à bouffer du foin. Au fond, peut-être qu'il les enviait, au début, mais il avait finit par se persuader que ce genre d'amusement futile n'amenait à rien. Ca n'était pas en faisait joujou qu'on réussissait dans la vie, c'était en manipulant les foules, en dirigeant dans l'ombre, sans prendre de risques.
Dommage que les choses aient mal tourné pour lui. S'il avait su, peut-être qu'il aurait tenté de profiter de la vie différemment. De toute façon, maintenant c'était trop tard. Et s'il avait pu revenir en arrière pour changer quelque chose... il n'aurait pas cherché à changer, non, il aurait simplement choisi de ne pas venir à l'Ecole du Flux.

"On peut se faire mal... quand on tombe."

Simple constat. Il n'avait pas réellement de peur de se faire du mal, d'ailleurs. Les douleurs exterieures, comme les coups, ça n'était pas si douloureux que ça avec le recul. Avec la quantité de calmants qu'il consommait, il était devenu assez peu sensible, de toute manière. Non, ce qui faisait mal, c'étaient les douleurs liées à son pouvoir. En comparaison, il aurait largement préféré se faire rouer de coups.

"Tu n'as pas peur de mal tomber, et de souffrir? Ou de mourir? ", demanda-t-il finalement, d'un ton neutre.

En pleine réflexion philosophique, Nix ne fixait pas le monde de son oeil si étrange, et ne jouait pas à percer le moindre talus de son regard qui traversait la matière. Elle était attentive au cas de rejet qui lui faisait face, lui souriait doucement, presque maternelle. Elle ne voulait pas lui faire peur. Non, il ne lui servait pas à grand chose, mais elle ne le considérait pas non plus comme quelqu'un de dangereux. Juste un être qui avait besoin de présence.

Alors, évidemment, quand quelqu'un s'approcha d'eux dans le désir de leur faire peur, elle ne le sentit pas avant de voir arriver le Croque-Mitaine. Et sa surprise ne fut pas celle de voir un monstre sortit des pires cauchemars - Nix le connaissait, celui-là, comme tous les élèves du Val - , mais celle que l'on ressentait quand quelqu'un s'exclamait "Bouh ! " alors que l'on s'occupe de passer des perles de verre minuscules pour faire un collier. Et elle eut l'énervement qui suivait l'instant où toutes les perles étaient tombées par terre.

-Salopard...

La colère froide de Nix Leviaz se sentait dans son simple regard. Il n'y avait absolument pas intérêt à se trouver face à elle, et à être le sujet de son énervement. Bref, personne au monde n'aurait voulu être le Croque-Mitaine à cet instant, simplement parce que Nix était très douée, pour comprendre les enseignements de sa soeur la Colère.

Et il ne faisait aucun doute que quelqu'un comme elle était armée. D'une luge, par exemple, qu'elle utilisa pour donner un violent coup sur la tête de la bête horrible. Qui a dit que les princesses n'étaient pas violentes contre les monstres ? Le glandeur assommé, elle avait l'air toute autre qu'avec Hansael. Elle avait le regard implacable de son père.

Et sa luge était cassée. Donc elle la balança dans un coin, en grognant, et, prise par une idée qui ne tenait qu'à elle - et qui se résumait par "de la luge sans luge, c'est chiant" - , elle fila d'un pas rageur vers l'Ecole.

(HRP : Voilà, Nix quitte le sujet)